Vol 93 (United 93)
Un film
de Paul Greengrass
Avec Lewis Alsarami, Khalid Abdalla, Oma Berdouni,
Jamie Harding, Trish Gates…
La polémique sur la réalisation de films autour du 11 septembre, qu’il s’agisse de Vol 93 ou de World Trade Center, d’Oliver Stone, peut sembler légitime. Comment dépeindre les attentats barbares et meurtriers de ce 11 septembre 2001, qui laissèrent l’Amérique et le monde entier interloqués par tant de violence.
Près de 5 années après les faits, Hollywood nous livre ses premières œuvres. Tout juste évoqué dans les œuvres américaines post-11 septembre, les attentats sont ici au centre même des œuvres.
Paul Greengrass a choisi de s’intéresser à l’histoire de ce 4ème avion, celui qui n’a pas atteint sa cible, s’écrasant en Pennsylvanie, au lieu de s’écraser sur la Maison-Blanche. Il existe encore aujourd’hui beaucoup de zones d’ombre autour de ce 4ème avion, son existence même est mise en cause par de nombreuses théories, des plus farfelues aux plus raisonnables (notamment que l’avion ait été abattu par l’armée américaine).
Le cinéaste, remarqué pour l’excellent Bloody Sunday, Omagh (producteur) ou encore La Mort dans la Peau, s’est attaché à la version officielle, celle de la rébellion des passagers, héroïque, courageuse, ayant entraîné le crash de l’avion dans une zone inhabitée de Pennsylvanie.
Après de nombreuses recherches, entretiens avec les familles de victimes, Greengrass suit le fil conducteur de son cinéma, La Mort dans la Peau mis à part, celui du cinéma vérité, du docu-fiction si l’on peut dire. Un cinéma qui cherche à se rapprocher le plus possible de la vérité, malgré les ressorts dramatiques inhérents à ce genre d’histoire, qui sont gommés par la mise en scène impeccable, nerveuse, le soin apporté au casting (une majeure partie de comédiens non-professionnels).
Vol 93 est un film qui laisse sans voix, une montée lente mais dure de l’angoisse, de l’inexorable destin de l’Histoire.
La reconstitution est minutieuse, chronologique, éclatée entre les différents acteurs de l’Histoire : la FAA, l’Armée, les contrôleurs aériens et bien entendu l’avion, ses passagers, les quatre terroristes, plus effrayés qu’effrayant.
Greengrass filme comme il a eu filmé Bloody Sunday et produit Omagh. L’image bouge sans cesse dans l’action, nerveuse, épileptique même à certains moments, pour mieux retranscrire l’urgence qu’elle saisit. L’émotion provoquée par ce film nous rappelle la violence émotive ressentie devant La Liste de Schindler ou encore La Déchirure (The Killing Fields). Brutale, surréaliste mais pourtant vision du réel, d’un moment où l’Homme a basculé dans la folie.
Le cinéaste impose le respect et l’admiration devant le talent de sa réalisation, qui ne sombre pas dans le manichéisme, écueil facile avec un tel sujet.
L’humilité et le respect des hommes et femmes ayant perdu leur vie dans le drame font de ce film un témoignage, une œuvre indivisible du drame lui-même, un regard sans concession qui, comme Bloody Sunday, devient un document de l’Histoire.
Arnaud Meunier
16/07/2006